l'Art contemporain ? Du réchauffé des Arts Incohérents. Mais sans humour.

Les monochromes ? Depuis 1843 !

De 1882 à 1896, Les Arts incohérents sont un mouvement dirigé par Jules Lévy mélangant contre-Salon parodique, spectacles et bals et dont le moteur est l'humour et la gaieté. Les artistes appelés les incohérents sont composés en grande partie de gens de lettres et de théatre qui ne savent pas dessiner. Le noyau initial sont des ex-Hydropathes (cercle de poètes, musiciens et artistes débutants) et des membres du Chat Noir (qui aura un cabaret et un journal du même nom). Chaque vernissage est prétexte à des "happenings" : en 1884, les exposants se promènent dans les salles avec des échelles ornées de l'écriteau :"je vernis !". Ils organiseront des bals dans des salles de spectacle importantes comme le Moulin Rouge et l'Olympia. Les obsèques de l'Incohérence dans les folies-bergère, sera une fête rassemblant plus de deux mille invités en 1887. Des expositions seront organisées également dans de nombreuses villes Lille, Nantes, Besancon, Rouen, Nancy...

Comme dans l'art contemporain et bien avant eux, ils seront "libérés" de toutes contraintes de technique, de forme et de fond, c'est à dire de supports, de médiums, de genres, de cadres,... (voir ci-dessous) et revendiqueront le fait de ne pas savoir dessiner. Ils feront de nombreux monochromes (voir ci-dessous), des collages avant les cubistes, utiliseront des objets divers et variés...

Aucune différence n'existe au niveau des "oeuvres". La différence est au niveau de l'esprit et du discours entourant les oeuvres : autant les incohérents étaient dirigés par le sens de l'humour et intégraient les personnes par la fête, autant le micro-milieu de l'art contemporain se prend au sérieux et exclue le public par des discours hermétiques. Mais, celui-ci le lui rend bien. D'un côté la gaieté, de l'autre côté l'ennui. (Si personne ne s'intéresse à l'art dit "contemporain", les personnes appréciant ce type d'art intéressent pas mal de sociologues tout heureux d'avoir une tribu à analyser près de chez eux !)

La Belgique n'est pas en reste : en 1885, les membres de l'Essor, groupe d'artistes bruxellois, organise la "Great Zwans Exhibition" à Bruxelles qui fait la parodie d'oeuvres d'artistes contemporains.
De même, en 1887, ils organisent "l'exposition universelle burlesque" à Bruxelles pendant plus de 2 mois. Elle s'attaque à toutes les écoles artistiques nationales et étrangeres, à l'impressionnisme et au néo-impressionnisme.
De leur côte, les incohérents feront des parodies de Ernest Meissonier, Henner, Puvis de Chavannes,...

Quelques exemples de réalisations : un Bas-relief (bas de femme cloué sur un socle de bois), Facteur rural en 1882 de Ferdinandus (dont le soulier droit est incrusté dans la toile) ,... En 1882, Portrait d'homme de Bertol-Graivil ( collé entre les mains, un journal masque le visage et ne laisse apparaître que les mains). Les incohérents auront leur vogue pétomaniaque : La Colonne vent d'homme de Bonnez 1893,...

Eugène Bataille fera Mona Lisa fumant une pipe en 1887 largement avant la Mona Lisa de Marcel Duchamp avec son célèbre jeu de mot L.H.O.O.Q.Q.

Supports : manche à balai, sac à café, marmite, pot de chambre, casserolle, cervelas à l'ail, toile émeri, cheval vivant qu'ils peignent en bleu/blanc/rouge en 1889, dos d'homme,...
Médiums : aquarelles à la salive ou à l'eau de seltz, terre mal cuite, portrait à l'huile de coco, à l'huile de foie de morue, tableau en jus de réglisse et chocolat, dessin à la mouchure de nez, nature cuite, denrées périssables ("croûtes" en pain, petits pois, macaronis, fromage, véritables chiques de tabac,...)
Genres : nature demi-morte, photo-sculpto-peinture, eau excessivement forte, bas-relief à l'ail et à l'huile pour salade frisée,...
Cadres : Delpy n'utilise que le cadre de son tableau. Mey-sonnier présente en 1883 le tableau prémonitoire formé d'un cadre vide (Tableau d'à-venir). Il y aura aussi des cadres ornés d'objets de toilette, de cartes à jouer et sacoches de cuir,...

Monochromes : depuis 1843 !
On connaît bien les monochromes de Yves Klein à partir de 1957 ...
...qui sont une copie des monochromes de Malévitch à partir de 1913 ...
...qui sont eux-même un réchauffé des monochromes des incohérents à partir de 1882...(Paul Bilhaud, Auguste Erhard, Eugène Mesples, Alphonse Allais )...
... qui sont une redite de la caricature de Bertall ci-dessous en 1843..

A ce rythme là, l'humanité va tirer les monochromes pendant encore quelques siècles !

Chronologie
Ainsi, en 1843, Bertall dans ses caricatures paru dans l'illustration, Journal universel présentera le dessin d'un tableau noir constellé de points blancs avec pour légende : Vue de la hougue (effet de nuit), par M. Jean-Louis Petit. Ce dessin fait partie des Salons caricaturaux fortement ancrée dans la presse illustrée qui parodient sous forme de vignettes les oeuvres du Salon.

Puis en 1882, Paul Bilhaud sera l'inventeur du premier monochroïde, Combat de nègres pendant la nuit (toile entièrement noire encadrée d'or).
Auguste Erhard fera Les plus petits des infiniments petits, visibles seulement aux yeux de la sciences (en hommage aux récentes découvertes de Pasteur)
En 1883, élève de Léon Gérôme, Eugène Mesples fera le monochrome Hyacinthe à Londres , un nez se détachant sur un fond gris uniforme (Hyacinthe était un acteur). Alphonse Allais fera une feuille de bristol blanc : Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige.
En 1884 Alphonse Allais présentera un morceau d'étoffe rouge : Récolte de la tomate sur le bord de la mer rouge par des cardinaux apoplectiques. S'auto-qualifiant d'artiste monochroïdal, il réunit ses oeuvres dans Album primo-avrilesque de 1897 enrichis de cinq autres monochromes dont un gris, Ronde de pochards dans le brouillard, et un bleu, Stupeur de jeunes recrues devant ton azur, O méditerranée

Ensuite, on se prend au sérieux et la tête enfle mais pas pour la même raison que les Hydropathes:

A partir de 1913 Malévitch : carré noir (1913), carré rouge (1915), Suprématisme. Blanc sur blanc (1918)
A partir de 1957 Yves Klein : monochrome rouge (1957), monochrome bleu (1959)


Bibliographie
- Arts incohérents. Académie du dérisoire. Dossiers du musée d'Orsay. Luce Abeles et Catherine Charpin, Editions de la Réunion des musées nationaux, 1992.

- Les Arts Incohérents par Catherine Charpin







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