Edouard Manet (1832-1883)

Ces fameux Salons de 1863, 1865 mais aussi 1864 /La technique de Manet./ Fut-il un peintre maudit ?

Retour à l'accueil sur l'histoire de l'art impertinente / Déjeuner sur l'herbe, la maladresse grivoise. / Y-a-t-il eu scandale pour Olympia? / Analyse sous un point de vue picturale : Le corrigé de l'Olympia de Manet.(6) / le Christ mort aux anges de Manet.(5) / L'opinion de Monet, Cézanne, Courbet,... sur Manet Surprenant ! / Zola CONTRE Manet, Monet et les impressionnistes Une lucidité tardive / Manipulations sur Le combat du "Kearsarge" et de "l'Alabama" (5) / Mon opinion sur sa production

Le salon de 1863

1863 est une date charnière mythique du XIXe siècle dans l'art. La création du Salon des Refusés en 1863 (il y en a eu d'autres moins connus :1864,1873) par Napoléon III dictateur démocrate (!) symbolise une ère nouvelle dans l'art car c'est l'année de la naissance de la polémique entre d'un côté Zola, les futurs impressionnistes,... et de l'autre côté les partisans de l'Académie. Cette querelle aboutira à la perte du pouvoir de l'Académie qui sera remplacée par le marché. Jusqu'à présent, l'Académie n'a pas retrouvé son pouvoir. Cette époque est décrite de manière très idéalisée par tous les auteurs comme l'histoire d'une bataille esthétique et d'un scandale. En réalité, ce fut une l'histoire d'une polémique et d'une bataille mais pour prendre le pouvoir des peintres officiels et pour le public d'une belle rigolade devant les tableaux comme celui du "déjeuner sur l'herbe (le bain)".



Une main en embuscade dans "le déjeuner sur l'herbe (le bain)" de Manet...

Notons que certains auteurs nuancent leurs propos sur le "scandale" comme Adrien Goetz (Epoque contemporaine, XIXe-XXe) qui déclare que ce tableau ".. n'a pas été un scandale aussi absolu que l'on voulut bien le dire ensuite : chaque année, le Salon fournissait aux amateurs son lot de réjouissances et les sujets frôlant le scabreux étaient attendus."

le déjeuner sur l'herbe (le bain, plein air)
Les propos de Manet ainsi que les éléments du tableau indique que le peintre désirait faire allusion à un libertinage. Mais faire des allusions est un Art et sa maladresse transformera la légère polissonnerie en une lourde grivoiserie, sujet à de grasses plaisanteries. Il faut être une grenouille de bénitier du temple de l'art moderne (et ne pas aimer rire !) pour ne pas voir les détails pittoresques et comiques et ne pas sortir quelques bonnes blagues.

Les spectateurs de l'époque censés être scandalisés étaient en fait bien plus libérés que les prêtres-historiens de l'art actuels. A défaut de voeux de chasteté, ces derniers montre leur dévotion en s'inclinant avec le plus grand respect devant des tableaux grivois ou plus (la naissance du monde de Courbet...). Oubliant le caractere sexuel trop visible des tableaux , ils les transforment en des reliques qu'ils placent dans les temples-musées. Ils chantent ensuite le martyre-scandale du Christ-Manet et conspuent les académistes copistes des romains qui l'ont mis en croix et refusé au Salon ! L'histoire se répéte mais pas avec d'autres acteurs.

Il est vrai qu'il vaut mieux s'agenouiller devant une "oeuvre d'art" que devant un os : une guerre artistique fait moins de morts !

Le salon de 1864

Le Christ mort aux anges a été exposé au salon de 1864 après le le déjeuner sur l'herbe (le bain) au salon annexe des refusés et juste avant l'exposition de l'Olympia en 1865. Il fera encore rire les "malveillants" car le Christ aux anges est en effet un condensé de maladresses et de prétextes à rire. Visiblement, ils n'ont pas du faire beaucoup d'efforts pour trouver des blagues... (voir l'étude des détails).

Etude de "Les Anges au tombeau du Christ (le Christ mort aux anges)"
de Edouard Manet.

Huile sur toile, 179,5x150 cm. Salon de 1864

Le salon de 1865

Au Salon de 1865, Manet présenta un grand tableau spécialement pour le salon : Olympia. Ce tableau est potentiellement invendable en raison de ses dimensions (presque 2 mètres de long). C'était un nu qu'il avait peint en 1863 d'après le tableau Du Titien, la vénus d'Urbino (1538) ci-contre dont il avait déjà fait une copie (grossière) en 1856 : une femme nue (le modèle est Victorine Meurent) étendue sur un lit, avec une femme noire qui lui offrait un bouquet et un chat.


la vénus d'Urbino (1538) de Titien

Etude de "Olympia" de Manet, 130,5x190 , 1863, accepté au salon de 1865

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Le massage : scène de Hammam de Edouard DEBAT-PONSAN (français,1847 - 1913), huile sur toile 127 x 210 cm, 1883, musée des Augustins, Toulouse

Remarquez la cohé:rence des corps des femmes dans le tableau de Debat-Ponsan malgré: le contraste de clarté des peaux.

Ce tableau fut encore la risée du Salon (voir l'étude des détails). Le Salon fermé, Manet prit la décision de faire, pour se détendre, un court voyage en Espagne. On le comprend ! Jusqu'à sa mort conserva chez lui cette toile invendable ce qui n'est pas isolé car d'autres peintres ont eu la même mésaventure.

La réputation de peintre maladroit et comique a donc pu être étayée par plusieurs tableaux successifs ce qui n'a pu qu'amplifié la bidonade des spectateurs devant Olympia qui était pourtant un peu mieux réussi. Chaque tableau raté "grillera" encore plus Manet et préparera la risée du suivant. A chaque salon, les visiteurs endimanchés devaient probablement chercher spécialement ses tableaux pour se détendre un peu dans le cadre solonnel du Salon...

Il faut reconnaître à Edouard Manet des qualités de persérance et de courage pour supporter ces échecs successifs malgré ses efforts. La description que donne Zola dans son roman "l'oeuvre" n'est pas tendre. Publié après la mort de Manet, Zola décrit un peintre au nom de Claude Lantier qui est une synthèse de Manet et de Cézanne : ce peintre est un génie raté incapable de terminer une peinture, rectifiant continuellement son tableau (comme Manet), mauvaix époux, mauvaix père, mauvaix amant, ne pouvant subvenir aux besoins de sa famille et qui finira par se suicider près de son dernier tableau car comprenant qu'il n'est qu'un mauvaix peintre. Pire encore, il rate son enterrrement car personne n'y assiste. Zola a décrit un peintre minable qui correspond en partie avec Manet ! (Très mal compris par ses amis artistes, ce livre l'éloignera de beaucoup d'entre eux.)

La technique de Manet

Il paraît qu'il ne travaillait pas simultanément l'ensemble du tableau pour l'étoffer peu à peu et le parachever. Victorine Meurent précise qu'il raclait dix ou quinze fois un fragment qui ne lui plaisait pas ; Il le repeignait sans se décourager jusqu'à ce qu'il fût enfin content. Olympia nécessita de nombreuses séances. Ce fut donc besogneux.

Cela est confirmé par la peintre Berthe Morisot qui pose pour Manet ainsi que Eva Gonzalès :"...Il recommence son portrait pour la vingt-cinquième fois. Elle pose tous les jours et, le soir sa tête est lavée au savon noir... Il me dit être à la quatrième séance, et la tête est de nouveau effacée."

Manet proposera à Albert Wolff, critique à la dent très dure, de faire son portrait probablement pour l'amadouer mais après plusieurs séances, le tableau resta à l'état d'esquisse. Sous prétexte d'une migraine atroce, Wolf déclara impossible de venir poser et le tableau ne fut jamais terminé. Wolff se répandra dans Paris en affirmant que "Manet, comme il l'avait toujours penser, n'était qu'un artiste incomplet ! Il tâtonnait.".

Manet fut-il un peintre maudit ?

Le cd-rom du Musée d'Orsay affirme qu'il n'a pas eu de reconnaissance officielle pour son oeuvre. Pourtant, d'après la chronologie donnée par Georges Bataille, on note :

- Manet a reçu une "seconde médaille" au salon de 1881

- Manet est chevalier de la Légion d'honneur, sur la proposition d'Antonin Proust, devenu Ministre des Arts le 30 décembre 1881.( Manet meurt en 1883)

- Manet n'était pas seul car il avait d'impressionnantes relations (Baudelaire, Zola, Mallarmé, Antonin Proust, Georges Clemenceau)

Ainsi, même si Edouard Manet a vécu dans la polémique, il a reçu de son vivant une reconnaissance officielle.

 

Bibliographie
- Journal de l'impressionnisme , Maria et Godfrey Blunden, traduit de l'anglais, Editions d'Art Albert Skira S.A. Genève, 1973
- Manet de Georges Bataille, Editions d'Art Albert Skira S.A. Genève, 1983
- cd-rom de la réunion des Musées nationaux, Musée d'Orsay, Montparnasse multimédia
- Epoque contemporaine, XIXe-XXe siècles,sous la direction de Ph. Dagen et F. Hamon, Flammarion, Paris, 1995.
- Impressionnisme. Les origines, 1859-1869, Réunion des Musées Nationaux, 1994

Lien externe sur Delacroix / Gauguin / Manet / Monet / Pissarro / Turner / Van Gogh
Les Peintres du XIXème siècle : Impressionniste.com

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